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Entretien avec...


Aurélien Evangélisti
Jeune Lance Sétoise


Aurélien Evangélisti, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Aurélien Evangélisti. J’ai 23 ans. Célibataire plus ou moins, je vis avec quelqu’un et j’habite sur Montpellier. Je travaille au Conseil Général, je m’occupe de l’organisation des transports publics. Mes passions : il y a le rugby, du moins, il y avait parce qu’à cause de blessures et à cause du boulot, j’ai été obligé de lever le pied pour un an ou deux. A part ça, les joutes.

Comment êtes-vous venu aux joutes ?

Par accident. Je suis arrivé dans les joutes… c’était une bande de copains à moi qui habitaient Balaruc et qui joutaient à la Lance Amicale. Il m’ont dit : « Tu as le physique pour faire les joutes, pourquoi tu viendrais pas essayer ? » Alors je suis allé essayer, ça m’a plu. Pour diverses raisons, je n’ai pas pu jouter la saison 92. Quand j’ai commencé le rugby, j’ai fait la connaissance de gens du Pavois d’Or qui jouaient dans le même club que moi. Donc, j’ai commencé comme ça en juniors en 93.

Comment se sont passés vos débuts dans les joutes ?

Les débuts ont été à la fois difficiles et intéressants. Difficiles du fait des entraînements où je faisait un peu le sparring-partner. C’est vrai que quand vous avez quatorze ans, jouter contre des Rudy Cerrato, Stéphan Vatuone, Claude Scanapiecco, qui sont chauds à ce moment-là, ça fait drôle, mais au moins ça permet de se forger physiquement et mentalement. En plus, vu l’âge que j’avais : j’étais cadet mais le Pavois d’Or n’ayant pas de cadet, il m’a fait jouter en juniors. Ça s’est bien passé puisque j’ai été Champion de Ligue juniors mais bon avec trois-quatre tournois gagnés dans l’année, ça m’a permis d’être champion mais de justesse. On me disait de monter en légers, j’étais pas trop chaud. Puis à seize ans, quand même, tu dois pouvoir te faire un année de plus en juniors. Et l’année d’après, ça a été l’explosion. Dix tournois gagnés en juniors, la Coupe de France, le fameux doublé mi-moyens-moyens à la Saint-Louis avec une qualification à la revanche en lourds. Ça a été le déclic.

Quel est votre meilleur souvenir ?

Je crois qu’il y a le Grand Prix l’an passé, ça c’est certain. Quelque chose que j’attendais depuis très longtemps mais j’ai quand même un coup de cœur pour ce doublé mi-moyens-moyens de la Saint-Louis et la revanche en lourds parce qu’à seize ans, faire une revanche de Saint-Louis en lourds en jetant les jouteurs que j’ai jeté, le tour d’honneur à la fin du tournoi, sans avoir touché l’eau, c’est quelque chose de pas mal. Plus que la victoire de 2001, c’est la Saint-Louis 95 qui m’a le plus touché.

Quel est votre plus mauvais souvenir ?

Il y en a qui pourrait dire la Saint-Louis 96 quand j’ai perdu en finale. Mais non, mon plus mauvais souvenir, c’est la Coupe d’Or 97 où ça s’est très mal passé. A Sète, j’ai eu un accrochage avec les Sétois. Je sais pas ce qu’ils avaient, s’ils étaient mal levés. Il n’ont pas été sympas avec moi. Ça a été mon plus mauvais souvenir. Il y a aussi la demi-finale de la Saint-Louis 99. Perdre en demi-finale comme ça, bêtement en faisant un bouquet. C’est la Saint-Louis 99 qui m’a le plus touché.

Quels ont été les trois meilleurs jouteurs que vous ayez connus ?

Claude Massias, Jacques Noguet et Bernard Betti. Parce qu’au niveau des palmarès, je ne connais pas mieux. Ce sont des jouteurs qui me sont contemporains. On pourrait dire que j’ai eu de la chance, dans vingt ans, quand on parlera d’Evangélisti, de Montels ou de Mur. On dira : « ces gens, il se sont formés avec ceux-là. » Parce que là, ça reste au niveau des palmarès, trois grands champions.

Quels sont les trois meilleurs jouteurs actuels ?

J’en ai cité pas mal. Fabrice Mur, Jean-Louis Montels, Thierry Lognos – même si Thierry Lognos arrive un peu sur le tard puisqu’il est un peu plus âgé. A Mèze, il y a Stéphan Gomes et Didier Deguitre. Je pense qu’avec ces quelques jouteurs-là, il y a un défi à relever. Pour les Sétois, il y a Olivier Soula, Sébastien Abellan, Mickaël Arnau.

Quel jouteur est passé à côté d’un beau palmarès ?

Je pense que tout le monde a dit la même chose. Il a un gros palmarès, mais c’est certain que la Saint-Louis lui manque, c’est Roger Pugliano.

Quel est le jouteur le plus franc sur une tintaine ?

Claude Massias.

Et le plus râleur ?

Louis-Philippe Saëz.

Quels sont les trois plus beaux tournois ?

La Saint-Louis, le Molinier-Sil et Frontignan.

Quelles sont les trois villes les plus « joutes » ?

Il y en a pas cinquante de toute façon. Sète, Mèze et Frontignan.

Quel est le règlement qui vous agace ?

Ce qui m’agace dans le règlement, c’est la façon dont il est appliqué. Par exemple, il y a un règlement qui dit « tout jouteur qui décolle sa lance de dessous le bras est disqualifié. » Quatre-vingt-dix pour-cent des jouteurs le font quand ils sont pris. On recule le bras et l’autre jouteur passe en avant.

Quel règlement supprimeriez-vous ou rajouteriez-vous ?

Le règlement qui existe à l’heure actuelle me convient. Qu’il soit vraiment appliqué correctement. Ce sera déjà un très bon point.

Qu’aimez-vous dans les joutes ?

L’ambiance. Moi, je ne suis pas un fêtard extraordinaire. Je ne bois pas d’alcool, je ne suis pas le genre de personne qui va se coucher à cinq heures du matin. Bon, ça s’est fait avec la Saint-Louis mais c’était vraiment exceptionnel. Mais il y en a, juste pour une demi-finale d’un tournoi, ils vont faire la fête jusqu’à six heures du matin. Non, moi ce que j’aime dans les joutes, c’est le mélange de convivialité et d’esprit de compétition. Je suis un compétiteur. Quand on es en haut de la tintaine, on ne peut pas tricher. Il y en a qui trichent mais on ne sort jamais grandi d’une tricherie. La vérité de la tintaine.

Et qu’est-ce que vous n’aimez pas ?

L’hypocrisie des gens. « Y a rien contre toi mais… Y a rien contre toi mais… » Mes couilles, oui !

Comment voyez-vous l’avenir des joutes ?

Je le vois bon. C’est une roue qui tourne. Il y en a qui s’en vont, il y en a qui arrivent. C’est un perpétuel renouvellement. Maintenant après, l’avenir nous dira comment ça va se passer. Il y a des jeunes qui sont relativement bien formés. Donc, il y a un renouvellement qui se fera automatiquement. Les vieux, ça sera les jeunes de maintenant et les jeunes, ça sera ceux qui sont actuellement à l’école de joutes.

Quel est votre souhait pour la saison à venir ?

Les mêmes résultats que la saison précédente.

Quel est l’événement marquant de la saison écoulée ?

Le Grand Prix de la Saint-Louis. Mais c’est vrai qu’au niveau de l’émotion au moment T, sur un tournoi est concentrée l’émotion de toute une vie. Le titre de Champion de Ligue 2001 est pour moi quelque chose d’énorme parce que ça faisait quinze ans que le titre de Champion de Ligue n’était pas revenu à Sète. Quinze ans de Betti et Massias. C’est très bien d’avoir ramené le titre à Sète.

Que pensez-vous des joutes sur internet avec « joutes.com » ?

C’est quelque chose de très bien. Je suis un adepte. Un des premiers, peut-être le deuxième qui s’est connecté dessus. Le Chat Noir, il fait des choses bien, très bien. Même si, maintenant il est copié. Mais ça, c’est la concurrence.

Que pensez-vous du traitement des joutes dans la presse locale ?

On va commencer par notre ami la Tête Plate, Olivier Raynaud. Il est arrivé dans les joutes comme un cheveu sur la soupe. C’est un hérétique. Il vient de l’Aude, il joue au rugby. Il connaît rien aux joutes. Enfin, il connaissait rien parce que maintenant il commence à s’y faire. Des fois, il a des jugements un peu durs. Mais bon, je ne suis pas rancunier. Il marque ce qu’il veut, ce qu’il pense en tout cas. C’est vrai que dans la presse, en tout cas le Midi Libre, il y a une baisse du nombre de pages consacrées aux joutes. Olivier Raynaud se formera aux joutes, il apprendra. C’est un ami, j’ai joué au rugby avec lui ; même s’il me taille, je ne lui en veux pas. Bon après, la Marseillaise. Il y a Jacques Colicchio, c’est un ami. C’est la personne qui m’a fait gagner le Grand Prix de la Saint-Louis. C’est la personne, qui à mon sens, connaît le mieux les joutes. Il n’y a pas un jouteur, tout champion qu’il soit, qui connaisse les joutes comme lui. Personne. Ce qu’il marque, c’est très souvent juste. Ce qu’il prévoit, la plupart du temps se produit. Pour la Marseillaise, ça se passe très bien.

(entretien réalisé le 9 avril 2002)